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lundi, octobre 19 2015

Une première étude sur les clients de prostituées

Le proxénète, la prostituée, le client : des trois acteurs d'un fait social largement étudié, seul le troisième a longtemps été ignoré par les chercheurs. Dans un travail commandé par l'association «Mouvement du nid» et rendu public hier *, le sociologue Saïd Bouamama lève, pour la première fois en France, le voile sur le «consommateur».

Quatre-vingt-quinze clients, occasionnels ou réguliers, ont livré leurs motivations et leur expérience au cours d'entretiens avec le sociologue. L'échantillon – «plus qualitatif que représentatif», selon Saïd Bouamama – permet de dessiner le portrait d'un homme comme les autres. Plus de 46% des sondés ont ainsi entre 31 et 50 ans et la majorité a des enfants. Ils sont 60% à ne pas vivre en couple aujourd'hui, mais 34% d'entre eux ont été mariés par le passé. De l'étudiant au chef d'entreprise, toutes les catégories professionnelles sont représentées, avec une prédominance des cadres. «Les catégories modestes sont traditionnellement moins enclines à se confier, note le chercheur. L'aspect financier semble aussi être un frein au recours à la prostitution.

Ainsi, le clientélisme n'est pas une «tare individuelle qu'il suffirait de soigner ou de réprimer», avance le sociologue, mais le «résultat social» d'une relation troublée entre hommes et femmes. La plupart des sondés décrivent une adolescence marquée par un tabou sur la sexualité, une méconnaissance de l'autre sexe et du corps féminin. Et l'envie de se prouver sa propre normalité. «Pour un nombre encore important de personnes, la première relation sexuelle se déroule par le biais de la prostitution», lit-on dans le rapport. Dans la majorité des cas, la première rencontre avec une prostituée a lieu en cachette, pour «le faire» et «être comme les autres». Mais près de 40% des sondés ont été initiés après une soirée festive entre amis et ce passage a eu lieu, dans 20% des cas, à l'armée. «L'émancipation des femmes a également renforcé la peur de certains clients qui se plaignent de leurs nouvelles postures (elles sont égoïstes, dangereuses ou faisant peur) et ont un discours nostalgique sur le passé», souligne Saïd Bouamama.

Les mots «timidité», «manque de confiance de soi» ou «peur» ponctuent les entretiens. Dans tous les cas, le client a un rapport malaisé à sa pratique qui entraîne dégoût de soi, honte et culpabilité. Il est d'ailleurs insatisfait de la prestation dans 71% des cas. Un cinquième des sondés vit ses visites chez les prostituées comme un enfermement et puise dans le vocabulaire de la toxicomanie les mots pour décrire ce besoin.

Saïd Bouamama retient, dans les trajectoires individuelles, plusieurs facteurs déterminants : l'isolement, la peur des femmes, l'allergie à l'engagement et aux responsabilités. Le sociologue décrit encore «l'acheteur de marchandise» qui a découvert la sexualité par la pornographie – 30% des sondés – et parle de la femme comme d'un objet.

«Nous ne sommes pas en présence d'un phénomène irréversible qui nous contraindrait à l'impuissance désolée», conclut pourtant l'auteur du rapport. Des pistes d'action ont été soumises, hier, au ministre de la Parité et de l'Egalité professionnelle, Nicole Ameline : information au cours de la scolarité, formation des enseignants et des travailleurs sociaux et réflexion sur les effets des images pornographiques. Pour Bernard Lemettre, président du Mouvement du nid, «le client a toujours été le méchant, celui qui fait peur et qu'on ne veut pas rencontrer. L'enquête montre que beaucoup sont désireux d'être écoutés et, peut-être, à l'avenir mieux accompagnés».

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Une méthode pour retrouver la prospérité

La meilleure façon de torpiller le rapport Camdessus sur «les freins à la croissance économique en France» serait de se laisser éblouir par quelques-unes de ses mesures phares. Isolées de leur contexte, les propositions en faveur d'un contrat de travail unifié ou l'obligation faite aux chômeurs d'accepter un travail «convenable» après un certain nombre de refus seront affublées derechef du label infamant d'«idées libérales».

Ce serait faire injure à un comité dont les membres, venus d'horizons différents, ont tous signé les conclusions. En particulier, Christian Larose, membre du groupe CGT au Conseil économique et social dont il préside la section du travail. Bien plus que des remèdes, le rapport vise deux choses : offrir un diagnostic incontestable de l'économie française, proposer une méthode de réforme acceptable par tous et fondée sur le principe du donnant donnant.

Nul besoin de rappeler les chiffres : nos performances économiques marquent depuis une vingtaine d'années un double retrait. Sur notre propre passé et vis-à-vis de pays arrivés au même stade de développement économique. Le Royaume-Uni, les Pays-Bas, les pays scandinaves, ont enregistré de bien meilleurs résultats de croissance et d'emploi.

Le chômage n'est pas une fatalité des sociétés avancées contrairement à ce que l'on a constamment laissé croire en France. Dénonçant la formule restée célèbre, «quant au chômage, on a tout essayé», la mission Camdessus propose une véritable révolution copernicienne. Au lieu de lutter contre le chômage en mettant hors marché les seniors et les jeunes, incitons-les à y entrer.

Plutôt que de s'acharner à faire baisser le taux de chômage par des moyens statistiques et des indemnisations coûteuses, battons-nous pour accroitre le taux d'activité des Français. Il est d'autant plus nécessaire de rompre avec les comportements malthusiens, qui sont les nôtres depuis un quart de siècle sur le front de l'emploi, que le vieillissement de la population va naturellement limiter le nombre des actifs à l'horizon 2015.

Un chapitre s'intitule, «passer de l'assistance au travail», traduction presque littérale du «Welfare to work» de Tony Blair. Mais il ne faut pas le répéter, car l'exemple britannique n'est pas politiquement correct à Paris.

Le comité Camdessus ne se prive pourtant pas de citer les cas de réformes à l'étranger – «d'autres l'ont fait» – pour proposer une véritable méthode d'action. Qu'il s'agisse du Pacte de la Moncloa en Espagne ou des accords de Wassenaar aux Pays-Bas (1983) entre partenaires sociaux, les changements historiques doivent mobiliser de façon active l'ensemble d'une population. Il ne sert à rien de vouloir les prodiguer d'en haut, comme on le pense trop souvent en France.

On ne fait pas évoluer un contrat social par des calculs de coin de table (style 35 heures), ni par des formules incantatoires de campagne électorale. Il convient d'instaurer un véritable engagement entre partenaires. C'est la formule du donnant donnant. Les salariés ne pourront accepter une plus grande flexibilité qu'en échange d'autre chose de tangible, la garantie d'un marché du travail dynamique.