La meilleure façon de torpiller le rapport Camdessus sur «les freins à la croissance économique en France» serait de se laisser éblouir par quelques-unes de ses mesures phares. Isolées de leur contexte, les propositions en faveur d'un contrat de travail unifié ou l'obligation faite aux chômeurs d'accepter un travail «convenable» après un certain nombre de refus seront affublées derechef du label infamant d'«idées libérales».

Ce serait faire injure à un comité dont les membres, venus d'horizons différents, ont tous signé les conclusions. En particulier, Christian Larose, membre du groupe CGT au Conseil économique et social dont il préside la section du travail. Bien plus que des remèdes, le rapport vise deux choses : offrir un diagnostic incontestable de l'économie française, proposer une méthode de réforme acceptable par tous et fondée sur le principe du donnant donnant.

Nul besoin de rappeler les chiffres : nos performances économiques marquent depuis une vingtaine d'années un double retrait. Sur notre propre passé et vis-à-vis de pays arrivés au même stade de développement économique. Le Royaume-Uni, les Pays-Bas, les pays scandinaves, ont enregistré de bien meilleurs résultats de croissance et d'emploi.

Le chômage n'est pas une fatalité des sociétés avancées contrairement à ce que l'on a constamment laissé croire en France. Dénonçant la formule restée célèbre, «quant au chômage, on a tout essayé», la mission Camdessus propose une véritable révolution copernicienne. Au lieu de lutter contre le chômage en mettant hors marché les seniors et les jeunes, incitons-les à y entrer.

Plutôt que de s'acharner à faire baisser le taux de chômage par des moyens statistiques et des indemnisations coûteuses, battons-nous pour accroitre le taux d'activité des Français. Il est d'autant plus nécessaire de rompre avec les comportements malthusiens, qui sont les nôtres depuis un quart de siècle sur le front de l'emploi, que le vieillissement de la population va naturellement limiter le nombre des actifs à l'horizon 2015.

Un chapitre s'intitule, «passer de l'assistance au travail», traduction presque littérale du «Welfare to work» de Tony Blair. Mais il ne faut pas le répéter, car l'exemple britannique n'est pas politiquement correct à Paris.

Le comité Camdessus ne se prive pourtant pas de citer les cas de réformes à l'étranger – «d'autres l'ont fait» – pour proposer une véritable méthode d'action. Qu'il s'agisse du Pacte de la Moncloa en Espagne ou des accords de Wassenaar aux Pays-Bas (1983) entre partenaires sociaux, les changements historiques doivent mobiliser de façon active l'ensemble d'une population. Il ne sert à rien de vouloir les prodiguer d'en haut, comme on le pense trop souvent en France.

On ne fait pas évoluer un contrat social par des calculs de coin de table (style 35 heures), ni par des formules incantatoires de campagne électorale. Il convient d'instaurer un véritable engagement entre partenaires. C'est la formule du donnant donnant. Les salariés ne pourront accepter une plus grande flexibilité qu'en échange d'autre chose de tangible, la garantie d'un marché du travail dynamique.